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Le licenciement des dirigeants et l’interdiction de licenciement pendant le Covid-19
Deux arrêts contrastés du Tribunal de Rome
Sur la légitimité du licenciement des dirigeants pendant l’interdiction de licenciement introduite par la réglementation d'urgence le Tribunal de Rome s’est récemment prononcé avec deux arrêts, à ce jour les seuls sur le sujet, s’opposant entre eux.
L'interdiction de licenciement
La réglementation d'urgence a introduit, à partir de mars 2020, l'interdiction pour les employeurs de procéder, entre autres, à des licenciements individuels pour des raisons économiques conformément à l'article 3 de la loi n° 604/1966.
Selon l'article 3 de la loi n° 604/1966, le licenciement pour des raisons économiques est un licenciement pour "des motifs inhérents à l’activité de production, à l'organisation du travail et au bon fonctionnement de celle-ci".
Conformément au suivant article 10 de la loi n° 604/1966, l'article 3 de la loi n° 604/1966 ne s'applique pas aux dirigeants.
L’interdiction de licenciement, initialement prévue pour une période de 60 jours, a été prolongée à plusieurs reprises jusqu'à aujourd'hui : en dernier lieu, en vertu de l'actuel décret-loi n° 41/2021, l’interdiction de licenciement s'appliquera jusqu'au 30 juin 2021 et, pour les employeurs pouvant bénéficier des « amortisseurs sociaux par dérogation » (CIGD) et de l’« allocation ordinaire » (ASO), jusqu'au 31 octobre 2021.
Les deux arrêts du Tribunal de Rome
Dans un premier arrêt du 26 février 2021, le Tribunal de Rome a estimé que l’interdiction de licenciement s'applique également aux dirigeants.
En conséquence, avec l'arrêt susmentionné, le Tribunal de Rome a declaré la nullité du licenciement pour des raisons économiques intimé à un dirigeant pendant l'interdiction (le 23 juillet 2020) et a ordonné à l'employeur de réintégrer le dirigeant dans son poste de travail.
En particulier, dans sa décision, le Juge du Tribunal de Rome a précisé que, malgré le texte de la norme (qui se réfère à l'article 3 de la loi n° 604/1966, incontestablement inapplicable aux dirigeants), l’interdiction de licenciement doit être considérée comme applicable aux dirigeants, puisque le ratio de l’interdiction de licenciement, d'ordre public, est d’empêcher que les conséquences de la pandémie se traduisent par la suppression immédiate d’emplois, cette exigence s'appliquant certainement aux dirigeants, qui ne peuvent donc pas être exclus de l'interdiction.
Cette décision a soulevé une grande perplexité parmi les spécialistes.
Moins de deux mois plus tard, le 19 avril 2021, un autre Juge - toujours du Tribunal de Rome - appelé à se prononcer sur le recours contre le licenciement introduit par un dirigeant qui avait été licencié pour des raisons économiques pendant l'interdiction de licenciement (le 6 mai 2020) et qui se plaignait de la nullité de son licenciement, a jugé la même question dans un sens diamétralement opposé.
En particulier, le Juge, avec une décision cohérente et bien motivée, a estimé que l’interdiction de licenciement ne s'applique pas aux dirigeants, parce que le libellé de la disposition de loi applicable, et son ratio même, ne permettent pas de supposer que la figure du dirigeant peut être incluse dans l'interdiction des licenciements.
Plus précisément, le Juge du Tribunal de Rome a tout d'abord rappelé que l'article 3 de la loi n° 604/1966, visé par la réglementation d'urgence, est inapplicable aux dirigeants par une disposition expresse de la loi (le suivant article 10 de la loi n° 604/1966).
Il a aussi déclaré que l'interprétation littérale de la réglementation d'urgence, qui conduirait à exclure les dirigeants de l’interdiction de licenciement, est également conforme à la logique même de la loi qui a prévu cette interdiction. L'interdiction de licenciement a été en effet accompagnée, dans la réglementation d'urgence, d'une possibilité généralisée pour les entreprises de recourir à des amortisseurs sociaux. Toutefois, les amortisseurs sociaux ne peuvent pas être utilisés pour les dirigeants, ce qui a pour conséquence que si l’interdiction de licenciement devait être étendue aux dirigeants, l'employeur non seulement ne pourrait pas utiliser les amortisseurs sociaux pour ces derniers, mais ne pourrait même pas mettre fin à leur relation de travail.
Conclusions
La seconde décision du Tribunal de Rome paraît être bien motivée, plus conforme au contenu littéral du texte réglementaire et, en définitive, plus partageable.
Compte tenu de l'importance, même pratique, de la question, il est néanmoins souhaitable que la jurisprudence résolve le conflit et contribue à clarifier, une fois pour toutes, l'applicabilité ou non de l’interdiction de licenciement aux dirigeants.
En attendant, les entreprises devront nécessairement évaluer leurs actions et stratégies futures avec la plus grande prudence.
Iacopo Aliverti Piuri
Partner ALTEREGAL
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